Les « artistes » de la chronologie des médias.

En regardant Jean Dujardin, si loin si proche, recevoir son SAG Awards là-bas aux Etats-Unis, j’étais fier et amusé de l’entendre chanter sa Marseillaise en réponse à une question de journaliste.

Sur ce film, CANAL+ a mis 3 millions d’euros. Nous n’en tirons aucune gloire. Je me souviens combien ma mâchoire s’est décrochée quand Thomas Langmann m’a annoncé qu’il voulait produire un film muet et en noir et blanc réalisé par Michel Hazanavicius, et avec Jean Dujardin. Il a fallu une rencontre avec le cinéaste, un script, beaucoup de convictions partagées avec Franck et l’équipe.

Quand je lis ici où là que certains ne comprennent pas pourquoi la VOD s’arrêtera quand ce film sera enfin proposé à nos abonnés-qui-payent-35-euros, je réponds ceci.

Celles et ceux qui ont envie de découvrir, louer (5 euros), acheter (10 ou 15 euros) le film auront 6 mois avant que CANAL+ ne le diffuse. 90% des gens qui choisiront de procéder ainsi le feront sur un écran de télé. Avec notre télécommande.

CANAL+ a mis 3 millions d’euros sur ce film. En échange de quoi, CANAL+ sera libre de le proposer pendant 3 mois à l’intérieur d’une fenêtre de 12 mois. Si le film s’était planté, le prix n’aurait pas changé. Si le film marche, le prix n’aurait pas changé.

Le jour où ils seront trop nombreux à nous dire qu’ils n’ont plus besoin d’attendre une petite année pour regarder le film chez nous, nous n’aurons plus le loisir de faire ce type de pari.

Soyez patients.

La dictature du pitch fait du bien

Pitcher un film c’est expliquer en quelques mots ses points forts et ses points faibles. Dans nos métiers, l’exercice se répète souvent: de producteurs à acheteurs, entre programmateurs et éditoriaux, de rencontres en comités, de comités en rencontres.

Un pitch ne remplace jamais une analyse. Un pitch n’emporte jamais une conviction. Mais un pitch vous résume une ambition.

Certains pitchs sont datés, anachroniques, contre-productifs. Certains pitchs font plus de mal au projet que le projet n’en mérite.

Certains pitchs sont drôles.

« C’est Twighlight sans les vampires »

« C’est Intimité, sans le sexe ».

Je ne connais pas de films « in-pitchables ». Sans doute est-ce l’habitude d’avoir à raconter à mes proches pourquoi il faut qu’ils m’accompagnent voir un film (pré)acheté par la chaîne.

 

Canal+ a son magasin

Et oui, depuis décembre. A Vélizy-2. Je vous conseille d’éviter le samedi après-midi en pleines soldes.

La boutique est en face d’Hollister, le machin d’Abercromby and Fitch (ceux qui ne connaissent pas AF peuvent sortir de ce blog).

Dans le Canal+ Store, j’y ai vu des DVD de nos séries des goodies en tous genres, des démos de nos offres, un bel écran, un joli design.

Bref, Mafia-upload a fermé

Je préviens tout de suite, j’adoooore les Anonymous. Donc, ne hackez pas ce site, c’est un lieu d’expression.

Pour le reste,

j’essaie d’expliquer que faire des filmq, ça coûte cher. Et j’ai interdit à mes gamins de pirater sinon papa est au chômage et eux à l’internat version Choristes. Ils adorent les Choristes.

Surtout l’internat.

J’dis ça, j’dis rien.

La « modernisation de la chronologie des médias » pour les Nuls.

La chronologie des médias et la fermeture de MachinUpload se sont invitées dans le débat de la filière cinéma ces derniers jours.

Il y a ceux qui veulent visionner beaucoup de films, comme ils veulent, pour un prix le plus modeste possible, et très rapidement. On appelle cela « favoriser l’accès à la culture« . Politiquement, c’est super-correct. On pense à son gamin qui a un besoin hyper-pressant de voir tout tout de suite et si possible pas cher, ou à sa pauvre maman qui habite un coin paumé où il n’y a plus de salles de cinéma  (malgré l’étonnant équipement français). Souvent, ces promoteurs du « tout tout de suite », quand ils n’ont pas un intérêt économique légitime (par exemple avec un distributeur de produits bruns high-tech qui ont besoin de contenus pour être sexys), n’y connaissent rien sur comment on fabrique un film, ni même comment on le rémunère.

Bizarrement, ceux qui ont le plus à perdre sont les gros films. Ces derniers sont chers à faire, chers à vendre (pour de bonnes ou de mauvaises raisons). Mais les producteurs de ces gros films ne réclament rien. Ils sont contents du système qui les finance.

Il y a aussi quelques réalisateurs qui, effrayés de constater que leur film ait été évacué vers l’oubli sans rencontrer le succès espéré aimeraient bien pouvoir multiplier ses exploitations sur tous les tuyaux. Légitimement, ils se disent que leur film mérite mieux. Ils s’imaginent que certains tuyaux ne demandent qu’à les accueillir pour peu qu’il y ait plus de souplesse. Ils admirent ce grand internet où tout serait possible. Que 60 heures soient chaque minute postée sur YouTube ne les effraient pas. Ils feignent de ne pas voir ou ignorent carrément que la fameuse SVOD est un immense supermarché numérique où la prime au « gros », au « référencé », au « calibré », est pire qu’ailleurs.

On ne comprend pas le problème de liberté d’expression: ces réalisateurs peuvent brader leurs films en VOD s’ils souhaitent être vu avant d’être rémunérés (?). Ils peuvent même laisser leurs films pendant des lustres dans l’une des innombrables boutiques VOD que comptent notre beau pays.  Ils peuvent même créer leur propre boutique VOD. Internet est à portée de main et de clics de n’importe qui.

Il y a enfin ceux qui payent plus ou moins tout:  la fabrication des films, le marketing pour les sortir, les installations (physiques ou numériques pour exposer ces films. Ceux-là, quand ils veulent changer, ils changent. Par exemple, quand il a fallu proposer les films à la demande puisque le public le souhaitaient, ils l’ont fait. « Ouais, mais faut être abonné »… Ah… ben oui. là, j’avoue.

Le cinéma « gratuit », je ne sais pas comment on fait.

Et contre le « gratuit », le payant est toujours trop cher.

Cinéma français: surproduction. Ou pas ?

D’après le CNC, 274 films français ont été produits l’an dernier. Le chiffre claque, il sera repris en boucle ici ou là.

En 2011, la filière cinématographique française n’a pas produit 274 films. Il faut savoir être précis. De ces 274 films, seuls 207 sont véritablement « d’initiative française ». Les autres sont des coproductions étrangères qui n’ont pas grand chose à faire dans l’analyse du cinéma national, si ce n’est pour se glorifier, à juste titre, de notre capacité à soutenir des cinémas d’ailleurs.

Ironie de l’histoire, c’est un film très français qui part représenter le Maroc dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger, OMAR M’A TUER, de Roschdy ZEM.

Des films franco-français, on n’en compte « que » 207, … dont deux Guerres des Boutons. L’épisode est suffisamment ridicule pour qu’on ne l’oublie pas.

207 films franco-français, cela veut dire que chaque semaine, 4 films français sortiront en salles en France, 52 fois dans l’année.

Quand j’explique, avec d’autres, que notre humble maison Canal veut soutenir la diversité du cinéma français, ce n’est pas une figure de style, ou du politiquement correct. Ce n’est même pas pour faire plaisir aux « Professionnels de la Profession ». C’est un argument rationnel: si 4 films français se font la guerre des entrées chaque mercredi, mieux vaut qu’ils soient différents.

Sacrément différents.

 

« Dis papa, c’est quoi la chrono des médias ? »

 

Faire un film prend des lustres et de l’argent.

Même un petit film français, ça coûte entre 1 et 3 millions d’euros. Une petite usine. Et encore, à ce tarif, on n’est pas sûr que les gens soient payés correctement.

Quoiqu’il en soit, il faut de l’argent pour un faire un film. Beaucoup d’argent.

De temps à autre, il y a toujours un ovni qui se fabrique quasi-bénévolement. Mais habituellement, on préfère être payé quand on bosse.

Alors les producteurs vendent ou pré-vendent leurs films « par appartement », c’est-à-dire par fenêtre: untel achète le film pour le mettre dans sa salle de cinéma. Un autre pour le sortir en DVD. Moi, je l’achète pour le diffuser à nos abonnés. Etc.

Chacun dans sa fenêtre, on fait de notre mieux pour rentabiliser l’argent ainsi dépensé.

Plus il y a de fenêtres, plus les producteurs sont contents. Cela veut dire que le film plaît.

Quand le film ou, pire, les films en général, ont moins de valeur, on le constate assez facilement: les fenêtres se compriment, se raccourcissent. Certaines disparaissent carrément.

Les producteurs, surtout de petits films, ont moins d’argent. On fait moins de films. Les gros, ceux qui attirent encore du monde dans les salles, les magasins, ou à la télévision, s’en sortent toujours. Ils sont suffisamment gros pour attirer.

 

 

 

 

Cinéma et campagne électorale

Vendredi 20 janvier 2012, le CNC avait réuni les signataires de l’accord interprofessionnel du 6 juillet 2009, ainsi que trois non-signataires (ARP, SACD et Free).

Contrairement à ce d’aucuns écriront peut-être ou penseront sûrement, la réunion fut chaleureuse et constructive.

Pascal Rogard était quand même impatient.

Le CNC a montré de charmantes statistiques. On pouvait constater que l’un des objectifs politiques fondamentaux recherchés par le Législateur était largement atteint: les films que les gens veulent voir sont visibles plus tôt qu’avant. Ils sortent plus tôt en DVD, et plus tôt en VOD. Paradoxalement, les films à faibles entrées sortent plus tard ou pas du tout en Video et en VOD.

Aucun des signataires n’a voulu dénoncer l’accord du 6 juillet 2009. Mais tous les participants, signataires ou non-signataires, se sont montrés ouverts à discuter d’assouplissements sur la VAD et la VADA. On a même demandé au CNC de fournir des statistiques plus précises pour évaluer les options posées sur la table.

Pascal Rogard (SACD) a rappelé combien la chronologie des médias était importante pour financer l’exception culturelle. Florence Gastaud (ARP) a fait de même. Tout le monde  a fait de même.

Tous ont fait le lien, évident, entre la chronologie et les obligations sur laquelle elle repose. La chronologie, en France comme ailleurs, est toujours proportionnée aux prix des fenêtres qui la composent.

Certains, nombreux, étaient énervés par l’intervention radio d’une femme politique.

Prochain RDV dans un mois.