La télé abandonnerait-elle le cinéma ?

Il faut s’accrocher à l’article/enquête de Romain Blondeau, dans les Inrocks de la semaine dernière.

La télé va-t-elle lâcher le cinéma?

Snobé par les grandes chaînes qui lui préfèrent les séries, repoussé en fin de soirée ou relégué sur la TNT, le cinéma vit-il ses dernières saisons sur la télévision gratuite ?

Il pointe le paradoxe d’une situation: il n’y a jamais eu autant de films à la télévision (6500 par an, d’après notre comptage des rediffusions), mais une large fraction de la filière s’inquiète. Je vous livre un extrait:

« A terme, beaucoup redoutent la création d’une télévision française à deux vitesses, où certains films, les plus fragiles, se retrouveraient uniquement sur Canal+ (le premier investisseur et diffuseur du cinéma français, par obligation légale). Des craintes justifiées si l’on en juge par les derniers chiffres publiés par la chaîne cryptée : en 2011, elle a programmé sur ses différentes antennes 550 films dont plus de 60 % n’accéderont jamais à une rediffusion sur d’autres chaînes. »

 

Cannes, c’est bientôt.

Il y avait conférence de presse hier, à Canal+, pour présenter notre dispositif éditorial pendant le Festival de Cannes. Inutile de préciser qu’il y aura foule, que c’est pour nous incontournable, et que la sélection est dramatiquement réjouissante. Ou plutôt dramatique et réjouissante. Thierry Frémaux a évidemment fait des déçus, mais l’exercice est rudement difficile.

Ce vendredi matin, nous avions montré le quatrième documentaire consacré au Festival de Cannes réalisé par Gilles Jacob (et Samuel Faure). Nous le diffuserons dimanche 20 mai.

—-

Un journaliste de STRATEGIES m’a demandé si nous avions une influence sur la sélection cannoise.

Triste question qui témoignait d’une incompréhension de nos mécanismes et nos motivations. Le Festival de Cannes est important pour CANAL+ parce que c’est le plus grand festival de cinéma du monde et qu’il est indépendant.

—–

21 préachats sur 54 films sélectionnés; dont 9 en lice pour la Palme d’or. Nous étions heureux.

Pour certains de ces films, ai-je dû rappeler, la question était moins de les préacheter qu’à combien devions-nous les financer.

 

Le cocon du cinéma français

C’est un dossier de Télérama, nouvelle formule. « Le cinéma français sort de son cocon »

Ils ont sans doute raison.

Partons d’une certitude et d’une probabilité. Il n’y aura pas, d’ici à la fin de l’année, de nouveau film français muet en noir et blanc. Et l’on doute que les prochains Oscars récompensent massivement, comme ce fut le cas il y a quelques semaines, l’une de nos productions indigènes. Mais des films français inventifs, surprenants, atypiques, il y en aura. L’époque semble autoriser l’audace, libère les imaginations : disparition des tabous, levée des inhibitions. Des exemples parmi d’autres – que les absents nous pardonnent –, les nouvelles œuvres de Jacques Audiard, Michel Gondry, Valérie Donzelli, Pascale Ferran et Abdel Kechiche.

Assez vite, un autre journaliste, d’un autre magazine, s’est inquiété de savoir si chez nous la Direction de l’Antenne « pouvait dire non à des projets non rentables ».

J’avoue avoir été surpris par la question. Pris de court.

Quand tu préachètes ce qu’on a préacheté l’an passé ou cette année, tu as du mal à comprendre la question , qui est pourtant légitime.

Cette affaire une chose fragile. Il faut des gens qui gens qui s’y connaissent, même dans une « méchante » chaîne de télé comme Canal+. Et ces gens sont là, nombreux. ils ne tirent de plaisir que celui d’avoir soutenu, défendu, éditorialisé, programmé, revendiqué ce qu’ils pensaient être le meilleur du cinéma à proposer à leurs abonnés.

Je vais citer Denis Freyd, l’un de ses producteurs discrets mais qui comptent et qui fait plaisir:

On a été prompt à fustiger la politique
des télés vis-à-vis du cinéma.
On a désormais affaire à des équipes passionnées”

Le producteur Denis Freyd

Merci à lui et à tous.

Ce nouveau film de Jacques Audiard et sa chronologie

On vient de nous dévoiler la bande annonce du prochain film de Jacques Audiard. Elle fait déjà largement son effet et promet du grand cinéma.

Je vais faire quelque chose d’horriblement facile. Je vais instrumentaliser ce film au profit d’une explication de nos métiers.

Ce film sortira d’abord en salle parce qu’UGC, qui l’a coproduit, a payé suffisamment cher pour avoir le droit de le laisser en salles aussi longtemps qu’elle le souhaite. Il sortira ensuite en DVD et en VOD sans doute 4 mois après, peut-être même plus tard si le bouche-à-oreille et le succès le nécessitent. Et qu’importent les grincheux qui s’étonneront de ne pas le trouver légalement en ligne « assez vite/et pas cher ».

Il sera ensuite diffusé sur CANAL+, parce nous en avons joyeusement préacheté le droit, voici un an, sur scénario et avec la promesse d’un grand film. Et non, nous ne voulons pas que quelqu’un d’autre que nous, quand nous aurons cette faculté temporairement bien limitée, s’amuse à le proposer à nos non-abonnés. CANAL+ préachète des films pour que l’on s’abonne à CANAL+ pour les voir. C’est une question de bon sens. Pour 2,6 millions d’euros le passage, je crois qu’on peut avoir le droit d’être tranquille.

Pour celles et ceux qui trouvent que « CANAL+, c’est trop cher », il y a une bonne nouvelle: ce film sera ensuite proposé sur CINE+, pendant 6 mois. L’abonnement est moins cher mais la qualité est là.

Pour celles et ceux qui n’ont pas envie de le voir à la Télé mais le préfèreraient à la demande, tout est prévu: CANAL+ comme CINE+ vous le proposent en Replay. Il suffit juste … de s’abonner. Ben oui, la vie est injuste.

Il sera ensuite diffusé sur France 3.

Bonne nouvelle, c’est gratuit pour le téléspectateur.

Dans cette chronologie, chacun a payé sa place.

C’est leur droit et leur devoir.

Chronologie des médias: ce que l’on a compris, ou pas.

L’un des grands bénéfices de nos discussions, parfois interminables, sur la chronologie des médias, est qu’elles ont fait découvrir quelques vérités à une large part des participants:

1. Les films non préfinancés par les chaînes de télévision ne sont pas seulement des « petits-films-français-fragiles ». Il y a aussi tout le cinéma américain. En gros, ça va de Twighlight 4 au dernier film de Jacques Richard.

2. La chronologie des médias en France a ceci de particulier (1) qu’elle  est adossée à un régime d’obligations de financement et/ou de programmation; (2) qu’elle permet de produire plus de 200 films d’initiative française, plus de 200 millions d’entrées en salles sur 5400 écrans, plus de 70M d’actes de VOD, encore 1,3 milliards d’euros de DVD, plus de 6500 films à la télévision gratuite ou payante par an (dont 40% français a minima), plus de 8.000 films à louer en VOD, etc… Stop ou encore ?

3. Certains films ne parviennent pas à intéresser les plate-formes de VOD parce que leur notoriété est inexistante et que les plate-formes de VOD n’ont pas les moyens marketing suffisants pour les mettre en ligne. Cela n’a rien à voir avec une histoire de délais ou de curseur.

4. On ne connaît pas les forces et les faiblesses de l’offre légale en France, depuis la sortie en salles jusqu’à la SVOD. L’une des propositions de Canal+ était justement de mettre en place un observatoire de cette offre, qui, pour chaque film sortie en salles, détaillerait son parcours en salles, VOD, TV payante, TV gratuite, SVOD.