La crise, la vraie.

Cette année, CANAL+ aura dépensé davantage dans le cinéma français que l’année dernière. Et même que toutes les années précédentes de son histoire.

Nous aurons préacheté davantage de films, y compris sur CINE+.

En l’espace de 5 ans, le groupe dépense aujourd’hui davantage qu’en 2007 quand TPS était encore là.

Le nombre de premières fenêtres cryptées (c’est-à-dire de films soutenus au moins une fois par une chaîne payante en France) n’a jamais été aussi important.

Et pourtant.

Pourtant certains s’inquiètent, protestent, râlent. Ces derniers mois, l’instruction de nos affaires TPS et D8 a été l’occasion d’entendre toutes sortes de réclamations.

Rares étaient celles qui parlaient de diversité du cinéma, de rationalité du marché, de maîtrise des devis.

J’dis ça, j’dis rien.

 

En revanche, ailleurs ou à côté, c’est la crise, la vraie.

J’ai attendu 6 ans pour ce film

Je ne sais même pas s’il est réussi. Carré Blanc était un projet reçu en 2006 à CANAL+. Nous l’avons préacheté. Je ne dévoilerai pas ici les péripéties douloureuses de cette aventure. J’ai compris que celles et ceux qui nous expliquaient que CANAL+ décidait de la vie ou de la mort des films français racontaient une version relativement tronquée de la réalité.

Certains films que CANAL+ doivent quand même fournir des efforts surhumains pour parvenir jusqu’au public.

Le Point Culture de mon fils

Choc de générations ? Même pas. J’attendais ce moment. Sans crier gare, en farfouillant dans l’immense Web (un peu régulé), mon jeune garçon a trouvé ceci il y a bien longtemps déjà. Un point Culture que j’aurai adoré si j’avais 12 ans.

Je n’ai pas compris le modèle économique de Point Culture. Je le devine. Un million de visionnages pour certains numéros, le succès est immense.

Le cinéma est-il en passe de devenir une « commodité » ?

« In economics, a commodity is the generic term for any marketable item produced to satisfy wants or needs. Economic commodities comprise goods and services.

The more specific meaning of the term commodity is applied to goods only. It is used to describe a class of goods for which there is demand, but which is supplied without qualitative differentiation across a market. »

Source: Wikipedia

Plusieurs tendances, certaines brutales, forcent-elles les films au statut de « commodité », un bien de consommation comme un autre, où la différenciation qualitative ne compterait plus ?

  • La notion d’exclusivité (temporelle) est remise en cause: elle n’était plus un paramètre déterminant pour le lancement des sites de SVOD low-cost. La position exprimées par certains commentateurs émérites voire par la Régulation va dans ce sens: non-exclusivité des chaînes de cinéma, des services de cinéma, de l’exposition des films eux-même.
  • La cinéphilie se perdrait, au point de dévaloriser des catalogues entiers. Le volume écrase la valeur.
  • Le piratage rendrait plus rapidement obsolète le cinéma, déconnectant les spectateurs de l’oeuvre qu’ils regardent.
  • Une fraction du public voudrait des films en grande quantité, en accès facile et peu cher. Un comportement de goinfre « commodity-compatible »

J’écris au conditionnel. Ou pas.

Si cette évolution se confirme, elle aura des conséquences sur notre cinéma national (et européen) décisives.

Google fait le ménage. Tout simplement.

C’est un billet très pédagogique de Guillaume Champeau (Numérama), qui nous apprend que Google aurait décidé de faire le ménage dans ses références. En l’occurrence, le méga-portail devrait supprimer les URL des sites pour lesquels il a reçu le plus de plaintes d’ayants Droit.

L’auteur livre une incroyable liste d’une vingtaine de références, toutes ayant été accusées au moins 100.000 fois auprès de Google dans les 12 derniers mois. Il y a du Torrent-machins et autres « Shared-stuff ». Pour tous les goûts et toutes les couleurs.
Une fois ce ménage fait, j’attends que l’une de mes connaissances me répètent: « mais, j’ai trouvé ça si facilement… »

Fallait-il attendre une quelconque décision de justice ?

Revoir Guy Debord

Guy Debord est mort quand j’étais trop jeune pour comprendre. J’avais dû voir La Société du Spectacle. Un film curieux, « godarien » dans sa volonté de contraindre le spectateur à l’attention sur le message, qui est une création qui ne survivrait pas dans notre monde prétendu moderne qui prône « la demande du consommateur libre« .

Il faut vous convaincre de regarder la chose. Quand j’étais jeune, le ciné-club de mon école assumait cette mission. Maintenant que je suis vieux, c’est l’entreprise Gaumont qui a édité voici quelques années, un somptueux coffret sur l’oeuvre de Debord. A moins de se laisser tenter par une programmation spéciale sur l’une de nos chaînes.

Mais sinon, sans effort médiatique assumé, il n’y aurait aujourd’hui aucune chance, absolument aucune chance, qu’un Guy Debord (1) finance son film, (2) parvienne à convaincre un quelconque médiateur de revendiquer son oeuvre pour son public.

Bref – comme disaient d’anciens collègues – je suis terrifié à l’idée que le monde culturel se réduise à l’envie de « consommateurs » qui par définition de savent pas à l’avance ce qui pourra les éclairer.

Inch Allah.