Révolutionner les clichés

Effort de pédagogie en cette fin de weekend.

Sur la chronologie évidemment.

1. L’exclusivité d’une fenêtre d’exploitation – quelle qu’elle soit – est simplement un objet de négociation entre un Ayant-Droit et le(s) diffuseur(s) de ses oeuvres. Aux Etats-Unis comme en Grande Bretagne, les fenêtres « premium » acquises par des opérateurs de SVOD sont assorties d’exclusivités pour une raison simple et compréhensible: quiconque paye cher a envie d’être seul à jouir de ce qu’il a payé cher.

2. Passés les 4 mois après leur sortie en salles, les films sont toujours potentiellement disponibles en EST, si les plates-formes concernées le souhaitent.

3. Aux Etats-Unis, les gros films ont une chronologie similaire à la France pour une raison simple: ils se vendent chers aux diffuseurs (VOD puis Pay TV ou SVOD).

4. En France, il n’y a aucune différence entre la pay TV et la SVOD… sauf sur le niveau des obligations de (pré)financement (diversité, obligation garantie en valeur absolue, etc).

5. Comparer l’exploitation du cinéma à celle des séries télévisées n’a pas grand sens. Les premiers sont financés par plusieurs fenêtres. Les secondes sont des commandes de la télévision.

6. Le simple jeu contractuel – comme il existe aux Etats-Unis – profite à ceux qui le meilleur rapport de force.

 

Retour sur Dijon

A Dijon se sont achevées les 22èmes Rencontres de l’ARP. Comme souvent, c’est un exercice convivial. C’est la première et la plus importante des vertus de cette manifestation.

Cette fois-ci, certains avaient encore envie de parler de chronologie des médias. Mais pas des obligations. C’est normal.

Pour une fois, certains voulaient parler du financement du cinéma. Mais pas tous. Les questions furent nombreuses.

Des producteurs refusèrent de débattre de la concentration des investissements dans la TV. Bon, pas grave. On reviendra.
Le sujet est intéressant, mais l’angle était curieux.

D’autres s’obstinèrent à penser qu’il fallait des expérimentations. Allez, soyons francs. Que signifie une « expérimentation » quand chacun reconnaît que nous sommes une industrie de prototypes ? Expérimentons donc avec des films petits ou grands, avec ou sans casting, populaires ou pointus, en couleur ou pas, en français ou pas. Expérimentez bien… et sans placébo. Quelle science ! Quelle expérience !

Dijon est aussi un moment où le vide peut vous étreindre.

Le vrai.

Abyssal.

L’offre légale existe…

Nous l’avons rencontré.

En juillet dernier, le CNC a publié une étude d’une année de sortie en salles. Un bilan publié au coeur de l’été, et rapidement relégué dans les tréfonds du Web.

Il est consultable par toutes et tous ici.

Pour disposer d’un peu de recul, le CNC s’est attardé sur les 573 films sortis en 2007 dans les salles françaises.

  • Les deux tiers ont été exploités en VàD et 85% en video (dans les mêmes délais)
  • Les deux tiers ont été ensuite diffusés par une chaîne payante (CANAL+, cine+, OCS), à la fois en linéaire et en non-linéaire (catch up)
  • Quelque 41% ont été diffusés par une chaîne gratuite (publique ou privée).

Mais le graphique le plus intéressant était celui-ci, qui figure justement le continuum de cette offre.

 

 

Par exemple, 22 films, parmi ces 573, ont finalement été diffusés en VàD, video et télévision gratuite, mais sans télévision payante.

On réalise également que parmi le tiers de films (soit 194 oeuvres) qui ne trouvent pas de débouché en VàD, 84 sont toutefois ensuite diffusés à la télévision gratuite ou payante…

A bon entendeur…

 

Mais d’où vient l’inspiration des films français ?

Il y a quelques jours, nous avons passé en revue tous les projets de long métrages français, petits et grands, déposés ou annoncés pour l’année prochaine. Ils sont déjà plus de 350. Nous sommes en octobre de l’année d’avant.

La vision, à ce stade, est incomplète, brouillonne, bizarre.

Mais l’on voit déjà des thèmes anxiogènes – viol, séparation, euthanasie, excision, quête. Sans chercher la comédie facile à tout prix, on se cherche des explications à cette sinistrose qui ne s’avoue pas.

En temps de crise, le cinéma américain semble choisir l’exotisme et l’aventure, parfois sans mesure. Il interroge la fidélité, l’engagement, et autres valeurs. Il  dérape dans d’improbables histoires de super-héros si thématiques que même le geek que je suis ne les connais pas. Le cinéma français cherche l’émotion ou l’introversion dans d’autres territoires. Et la crise semble semble déteindre directement sur la masse des projets.

 

 

Le bouche à oreille existe…

… le CNC l’a rencontré.

Il faut laisser le temps aux films de rencontrer leur public. C’est une opinion largement répandue, sauf chez ceux qui aimeraient raccourcir nos délais de diffusion comme un accordéon-kleenex.

Le CNC vient de publier une très intéressante étude sur la géographie du cinéma et les pratiques des Français.

Et que découvre-t-on ? Que le bouche-à-oreille, évalué dans un sondage réalisé pour l’occasion, est « le premier vecteur d’information incitant le public à aller voir un film », soit pour 51 % des personnes interrogées. C’est en baisse par rapport à l’an passé (56,1 % en 2011), mais le score reste impressionnant. Il devance la télévision (48%), la bande-annonce vue en salle (44%), et les sites internet spécialisés (32%).

Que le bouche-à-oreille reste si dominant dans l’information du public pour aller en salles n’est pas anodin dans nos discussions interprofessionnelles: il faut qu’un film existe sur une durée minimale pour qu’il s’installe. Le même sondage livre d’autres constats très éclairants:

« L’importance du bouche-à-oreille explique pour partie le choix des spectateurs d’aller voir un film qu’ils ont envie de voir dans les 15 jours suivant sa sortie (53,0 % en 2012, 55,2 % en 2011) ou plus tard encore (27,0 % en 2012, 24,8 % en 2011), plutôt que le premier jour (2,6 % en 2012, 1,5 % en 2011) ou le premier week-end après sa sortie (6,9% en 2012, 9,7% en 2011). »

Seuls les assidus restent relativement « pressés »: 40% d’entre eux, dans ce sondage, déclarent préférer « aller voir un film rapidement, avant la fin du premier week-end suivant sa sortie« .

Alors posons la question: quelles seraient les conséquences d’un raccourcissement inconsidéré de cette fenêtre d’exploitation salle, réglementaire ou contractuel sur le comportement du public ?