Un film brésilien a été diffusé gratuitement sur Dailymotion deux jours avant sa sortie en salles, et à heure fixe (22h).
La sortie n’était pas grosse, une quinzaine de salles. Après cette diffusion, le distributeur s’est publiquement indigné d’avoir été « déprogrammé » de 12 salles sur 15:
Selon EoF et le distributeur, la diffusion du film sur Dailymotion a été un « succès » avec « 6 060 vues », susceptible de « booster » les entrées en salles, le bouche-à-oreille se chargeant de faire la promotion du film une fois qu’il a été vu sur Internet. Il y a également eu « 400 000 visionnages de la bande-annonce », fait-on valoir de même source.
Pour Yohann Cornu, « on a cassé la chronologie des médias, alors elle nous a tués ». La chronologie des médias régit les délais de diffusion des films entre leur sortie en salle, leur diffusion à la télévision gratuite et payante et leur édition en DVD.
(source: Le Monde)
Je ne sais pas si ce propos est sorti d’un quelconque contexte. Mais il est curieux.
Diffuser gratuitement une oeuvre est choix respectable. Espérer la vendre ensuite (via une sortie en salles), est un pari assez gonflé qui perturbe ma logique de commerçant.
Il est toujours difficile de vendre une oeuvre qui a été préalablement offerte.
C’est un schéma que nous connaissons en matière de séries télévisées: la télévision gratuite diffuse des séries qui sortent ensuite en coffret DVD (ou en vente démembrée sur iTunes). Mais le DVD ou la vente dématérialisée offrent un autre service: le visionnage à domicile et/ou à la demande, ou la conservation de l’oeuvre. La diffusion gratuite d’un épisode fait aussi partie des stratégies d’échantillonnage bien connues des services payants.
Prenez le cas de ce film brésilien: son distributeur choisit de le diffuser sur le plus gros site français de streaming légal. Les salles de cinéma, à qui le film est ensuite proposé, n’offrent que peu d’avantages sur ce visionnage gratuit initial: il faut sortir de chez soi, payer environ 6 euros (en moyenne et par personne), pour regarder une fois, et une seule, à horaire fixe, le dit film.
Cet « effort » est largement accepté pour découvrir un film ou le revoir dans une belle copie (s’agissant des reprises) ou sur un grand écran. Mais pour un film qui vient juste d’être diffusé gratuitement… le pari devient risqué, sacrément risqué.
Et quoiqu’en dise son distributeur, la diffusion du film sur Dailymotion n’a pas provoqué un buzz national tel qu’elle ait transformé le film en évènement incontournable.
Sur CANAL+, nous n’achetons pas de films récents préalablement diffusés gratuitement. Pourquoi ? Parce que nos abonnés payent jusqu’à 40 euros par mois.
Il est ensuite bien facile d’accuser la « Chronologie des Médias » comme une main démoniaque venue d’outre-tombe quand il s’agit avant tout d’une affaire de commerce.