Le prix des films et la critique

« Ce film-là, je te le produit pour XX de moins »

Combien de fois ai-je entendu cette explication d’un producteur se comparant à un autre ?

L’argument du prix vient aussi dans la bouche de gens qui n’ont jamais produit, c’est-à-dire jamais embauché de collaborateurs intermittents, jamais négocié de cachets, jamais comparé des locations de tournages, jamais tenu un planning de tournages.

L’argument du prix vient s’immiscer dans la critique de films comme un remake médiatique de « combien ça coûte ».

L’argument du prix est devenu l’un des plus imparables, en cette période de crise économique. Il tend à occulter le reste.

L’argument du prix est le bon quand on sait comparer ou analyser, bref, quand on sait de quoi on parle.

 

 

« Et vous, vous piratez ? »

Je regarde la salle, composée d’étudiants au fait de la chose économique puisqu’ils se destinent à « manager » à l’issue de leur cursus à HEC.

« Et vous, vous piratez ? »

Silence et sourires gênés.

L’un se risque à avouer. Un autre m’interroge: « vous semblez très conservateur à faire évoluer le système alors que les gens veulent de la culture en gros nombre et d’accès gratuit ».

Je réponds que je ne connais que deux grands modèles pour produire une oeuvre puis la « donner » ensuite: le financement publicitaire, qui laisse donc aux annonceurs de choisir pour vous la diversité de ce que vous verrez. Ou la subvention généralisée, la franche nationalisation du cinéma national pour qu’on nous le serve gratuitement ou presque. Exit la variété du système actuel.

Il y a bien sûr des versions intermédiaires – objets de multiples débats et variantes.

« Moi, je pirate des films que je ne trouve plus à la télévision » déclare un étudiant. J’adore cep profil idéal du pirate-archéologue, si exemplaire… et si rare. A les écouter, c’est donc la filmographie de Murnau et Wells qui subit les affres de la piraterie 2.0.

« je n’ai pas la patience d’attendre » résuma un autre.  J’essaye d’apprendre la patience à mes enfants. Le monde ne se découvre pas comme un goinfre.

Notre métier était d’entretenir une relative impatience pour maximiser ce que d’aucuns appellent le « consentement à payer », puis de réinjecter dans cette fabuleuse industrie de la création une belle fraction des revenus ainsi générés.

Il est impossible d’épuiser ces sujets en quelques lignes. Il faut juste comprendre qu’il n’y a que l’échange des points de vues qui permet de comprendre .