Je regarde la salle, composée d’étudiants au fait de la chose économique puisqu’ils se destinent à « manager » à l’issue de leur cursus à HEC.
« Et vous, vous piratez ? »
Silence et sourires gênés.
L’un se risque à avouer. Un autre m’interroge: « vous semblez très conservateur à faire évoluer le système alors que les gens veulent de la culture en gros nombre et d’accès gratuit ».
Je réponds que je ne connais que deux grands modèles pour produire une oeuvre puis la « donner » ensuite: le financement publicitaire, qui laisse donc aux annonceurs de choisir pour vous la diversité de ce que vous verrez. Ou la subvention généralisée, la franche nationalisation du cinéma national pour qu’on nous le serve gratuitement ou presque. Exit la variété du système actuel.
Il y a bien sûr des versions intermédiaires – objets de multiples débats et variantes.
« Moi, je pirate des films que je ne trouve plus à la télévision » déclare un étudiant. J’adore cep profil idéal du pirate-archéologue, si exemplaire… et si rare. A les écouter, c’est donc la filmographie de Murnau et Wells qui subit les affres de la piraterie 2.0.
« je n’ai pas la patience d’attendre » résuma un autre. J’essaye d’apprendre la patience à mes enfants. Le monde ne se découvre pas comme un goinfre.
Notre métier était d’entretenir une relative impatience pour maximiser ce que d’aucuns appellent le « consentement à payer », puis de réinjecter dans cette fabuleuse industrie de la création une belle fraction des revenus ainsi générés.
Il est impossible d’épuiser ces sujets en quelques lignes. Il faut juste comprendre qu’il n’y a que l’échange des points de vues qui permet de comprendre .