Alors que le dernier film des frères Coen sort … sur Netflix ce 16 novembre… interrogeons-nous.
Les films de Netflix avaient été disqualifiés de sélection cannoise : « Désormais, tout film présent en compétition devra sortir dans les salles françaises », expliquait Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, dans Le Film Français en mai dernier. Certains ont critiqué cette décision. Dans le sempiternel débat français sur la chronologie des médias, cinq organisations se sont élevées contre la possibilité qu’un film de cinéma conserve son statut (et ses financements) sans qu’une sortie en salles ne soit requise en France.
On aurait tort de caricaturer ce débat à celui des anciens contre les nouveaux, à le résumer à un quelconque caprice de supériorité des salles de cinéma sur les nouveaux médias. La sortie en salles de cinéma incarne, sans doute encore pour longtemps, la différence entre le film et le téléfilm. Steven Spielberg l’explique très bien : « Dans les faits, quand on se soumet au format télévisuel, on devient un téléfilm. Le cinéma est un lieu de liberté. Il n’y a rien de péjoratif à rappeler que la fiction télévisuelle, toute créative soit-elle, est d’abord soumise aux impératifs d’un ou deux diffuseurs au mieux. Malgré toutes les difficultés qu’un cinéaste peut rencontrer, il jouit d’une liberté plus importante que celle d’un créateur de fiction télévisuelle : les diffuseurs TV ont un pouvoir de censure, mais aucun n’a le dernier mot.
Un temps, Netflix et les autres ont été loués pour l’incroyable liberté que les créateurs y trouveraient par rapport aux diffuseurs traditionnels. Ce temps est révolu. Netflix comme Amazon ont annoncé l’arrêt de certaines de leurs séries. Ils agissent comme…les diffuseurs qu’ils sont. Ce droit de vie ou de mort n’est que la règle du jeu audiovisuel.
La conversation sociale s’éparpille.
La seconde question qui pourrait opposer Netflix au cinéma est son financement. Le cinéma laisse une place à l’exploitation de ses différents diffuseurs. La SVOD est trop gourmande pour ne pas bousculer cet équilibre. En France, les pouvoirs publics tentent d’attirer les services non-linéaires à contribuer au financement en échange d’une meilleure place dans la chronologie d’exploitation. Pourtant, il est difficile d’imaginer que des géants tels Netflix ou Amazon changeront leur modèle pour notre seule régulation nationale.
Netflix est-il pour autant l’ennemi des salles obscures ?
Pour certains, l’accès à de larges catalogues de fictions, notamment de séries, est en passe de dégoûter une part croissante du public, jeune en particulier, du spectacle en salle. Le producteur français Pascal Breton, président de Fédération Entertainment, confiait récemment : « la série devient le média de tous les médias. Elle en ringardise même le cinéma ». Le cinéma est depuis longtemps l’objet de chroniques sur sa mort. Pourtant, qui n’a pas eu l’impression d’une overdose de séries ? Le nombre de séries proposées au public dépasse chaque année ses propres records. La conversation sociale s’éparpille, chaque série est chassée par une autre. Et les algorithmes achèvent d’enfermer chaque spectateur dans ses propres goûts. Le cinéma connaît moins ces difficultés. Un film prend moins de temps culturel. Le phénomène de « Peak TV » devrait au contraire conforter la place de l’œuvre unitaire.