La guerre du streaming est déclarée.

Il règne une curieuse atmosphère à Hollywood. Il y a d’abord cette préparation générale pour une nouvelle bataille sur le terrain de la distribution audiovisuelle. Face à Netflix et Amazon, cette consolidation gigantesque se poursuit et interroge tout un secteur. Comcast, qui possède Universal Studios, tente de ravir Sky à Fox. Disney se prépare à absorber les actifs internationaux de Fox et la majorité de Hulu pour se déployer face à Netflix. ATT digère Warner et sa filiale HBO depuis le feu vert obtenu des autorités américaines en juillet. Unique (Netflix) ou hybride (Hulu, Amazon), les modèles du streaming sont et seront multiples.

Du côté de la production audiovisuelle, tous les plafonds sont dépassés cette année encore. Environ 525 saisons nouvelles de séries seront lancées en prime time sur les écrans américains, TV et streaming compris. C’est encore 10 % de plus que l’année précédente. Le seuil de « Peak TV » n’a pas été franchi, contrairement à quelques prédictions : le volume de production de séries ne cesse de progresser, l’argent coule à flots, ni l’imagination ni les budgets n’ont de limites. Cependant, Hollywood s’interroge sur les possibilités d’une surchauffe, voire d’une bulle. On craint la « gueule de bois ». Le moment de vérité viendra, mais quand ?

Le moteur de cette croissance exponentielle est évidemment le développement du streaming payant – Netflix (8 milliards de dollars), Amazon (5 milliards), AT&T qui vient de racheter Warner et donc HBO, et bientôt Disney pour n’évoquer que les géants. Mais aussi Apple (1 milliard), Facebook et YouTube. Les sommes investies dans l’acquisition de talents et le développement d’histoires originales excèdent très largement les revenus générés par cette activité. Mais les actionnaires misent sur l’avenir, et l’acquisition d’une base d’abonnés suffisamment massive et mondiale pour que les opérateurs rehaussent les prix des abonnements et deviennent enfin rentables. Le patron de la chaîne FX déclarait récemment qu’il ne voyait stratégiquement pas d’autre issue à sa marque que de s’affilier à l’un des géants (en l’occurrence, Disney).

Inquiétude nationale. Cette consolidation est d’abord un défi technique : une taille mondiale procure un avantage technologique décisif sur l’enrichissement de l’expérience utilisateur, de la publication et de l’animation des programmes. Les services de Netflix et consorts placent ainsi haut la barre pour leurs concurrents. Et définissent désormais le standard du marché.

Cette consolidation interroge aussi les opérateurs locaux, notamment en France sur la question des droits de diffusion. Comment conserver l’exploitation des programmes nationaux qu’ils financent pour éviter le cercle vicieux de laisser enrichir des plateformes mondiales qui à leur tour les concurrencent ? C’est l’un des défis, le plus sérieux car il heurte la réglementation actuelle en France qui limite cette intégration verticale, et les producteurs et distributeurs indépendants qui ont besoin de financements complets et de perspectives de recettes futures sur leurs créations. Pourtant, cette absence d’intégration verticale nourrit une concurrence étrangère qui en retour fait pression sur le système de quotas nationaux.

Cet article a été initialement publié par l’Opinion le 27 septembre 2018